De Naples à Saint-Pétersbourg, un lien très fort unit une demi-douzaine de pays, Italie, Allemagne et Autriche, République tchèque, Pologne et Russie : la civilisation baroque. L’écrivain Dominique Fernandez a énoncé fort justement le concept de “croissant baroque” à propos de cette parure éclatante de monuments, de statues, et de tableaux qui recouvre l’Europe aux XVIIème et XVIIIème siècles, de Rome à Prague, de Venise à Vienne, telle un croissant géographique : territoire de la perle et de l’ange, de l’opéra et du gâteau, du putto moqueur et du squelette ricanant. Exubérance vitale et sentiment de la précarité, goût de la fête et terreur de la mort eurent pour interprètes Bernin et Mozart, Puget et Caravage, mais également tant d’artistes méconnus comme les sculpteurs et stucateurs tchèques ou les architectes de Bavière. Mais à vrai dire, aucun d’entre eux ne fut autant méconnu que les compositeurs qui donnèrent le plus juste souffle à ces extraordinaires décors baroques ; ces inventeurs de musiques “haleine des statuts”, selon la belle formule de Rainer Maria Rilke, qui eurent le génie de mettre en œuvre tous ces monuments en portant à un degré incomparable de perfection la musique de la polychoralité, admirable projection sonore du monde spirituel et imaginaire baroque. C’est cet univers sonore magique qu’entend restituer ce programme.
Principalement constitué d’œuvres venues de Pologne et d’Italie et conçu sur le modèle des fameuses “vespro della la Beata Virgine” de Claudio Monteverdi, il démontre bien toute la richesse du patrimoine musical européen. Dans ce “chant à la très Sainte Vierge”, dont nous fêtons cette année les 400 ans, Claudio Monteverdi montre sa maturité et nous propose un torrent de trouvailles et de nouvelles possibilités musicales qui influenceront pour un certain temps les compositeurs de l’Europe entière. Quoi de plus naturel donc que d’imaginer une rencontre musicale entre ce même Monteverdi et l’un des plus brillants compositeurs Polonais, Marcin Mielczewski?
Celui que l’on considère comme le Monteverdi polonais est l’un des compositeurs les plus connus de l’Europe de ce début du 17ème siècle. Ses œuvres sont largement diffusées et jouées, de Paris à la Russie en passant par le Danemark ou encore la Silésie,la Moravie et l’Ukraine, et ce plusieurs décennies après sa mort en 1651. Sa musique est grandiose, elle témoigne une véritable virtuosité dans le maniement des différents plans sonores de l’écriture polychorale : plus de 40 œuvres sacrées mêlant les voix et les instruments et mélangeant avec bonheur dans une même pièce prima et seconda pratica, petits et gros effectifs, le tout avec une inventivité musicale sans cesse renouvelée.