Le 30 mai à l’Opéra de Dijon & le 31 mai au festival de musique du Haut-Jura : attention, évènement : nous sommes ravis de créer ce sommet musical, pour deux représentations en 2024 ! Réservez vos places dès à présent :

Le 30 mai à 20h à l’auditorium de Dijon – Saison 23/24, Opéra de Dijon

Le 31 mai à 20h30 à la cathédrale de Saint-Claude – Festival de Musique du Haut-Jura

Les Traversées Baroques : Etienne Meyer, direction • Capucine Keller, Dagmar Šašková, sopranos • Maximiliano Baños, alto • Vincent Bouchot, François-Nicolas Geslot, ténors • Renaud Delaigue, basse • Jasmine Eudeline, Clémence Schaming, violons • Judith Pacquier, Liselotte Emery, cornets à bouquin, flûtes à bec • Christine Plubeau, Ronald Martin-Alonso, violes de gambe • Claire McIntyre, Abel Rohrbach, Emily White, sacqueboutes • Elodie Peudepièce, contrebasse • Monika Fischaleck, basson • Matthias Spaeter, Marc Wolff, théorbes • Marie Bournisien, harpe • Laurent Stewart, clavecin & orgue • Chœur de l’Opéra de Dijon : Anass Ismat, chef de chœur

L’histoire de la musique occidentale est si riche qu’il est bien impossible de tenter d’établir la moindre hiérarchie parmi le nombre infini des compositeurs qui l’enrichirent depuis qu’existe cette fonction sociale et qu’elle échappe à l’anonymat. Et sur quels critères, évoluant forcément d’une époque à l’autre ! Ainsi, au XIXème siècle, trois des plus grands compositeurs du temps et peu connus pour briller par leur modestie – Berlioz, Liszt et Wagner – voyaient en Félicien David le plus grand compositeur du temps et le maître incontesté de la « musique de l’avenir ». Hormis quelques spécialistes de cette époque, qui se souvient aujourd’hui encore de lui ? Et qui nous dit que Pierre Boulez, encensé de nos jours de la même manière, ne disparaitra pas devant les personnalités actuellement occultées par les modes et les tendances et qui ont nom Jean Barraqué, Jean-Pierre Guézec ou encore tant d’autres !

Renonçant à cette tentation de la « distribution des prix », il reste malgré tout possible d’identifier certains compositeurs du passé non pas pour leur prétendue supériorité, mais pour la place-clé qu’ils occupent dans l’évolution du langage musical européen. Certains parce qu’ils représentent l’acmé d’une époque, d’un langage – c’est le cas de Jean Sébastien Bach dont toute l’oeuvre signe à la fois l’accomplissement le plus parfait de l’esthétique baroque et annonce le brutal déclin d’un langage qui ne saurait aller au delà – ou encore de Mozart dont la sublime (et fausse) simplicité annonce toute la période romantique.

Et puis il y a Claudio Monteverdi. Un cas encore à part, puisqu’il  va saisir à bras le corps le langage musical de son époque, la Renaissance, et construire sur les métamorphoses successives qu’il lui impose l’essentiel de ce que l’on appellera plus tard « la musique baroque » avec en prime cette invention géniale qu’est l’opéra. Et rien de témoigne déjà mieux de cet immense mouvement qu’il imprime à la musique, que la confrontation entre la messe-parodie In illo tempore témoin de sa prima prattica, et ce gigantesque office de Vêpres dans lequel, simultanément, Monteverdi s’impose comme le principal artisan révolutionnaire d’un bouleversement radical du langage musical. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Claudio Monteverdi naquit à Crémone en mai 1567. C’est dans la patrie du violon qu’il reçut une éducation musicale soignée auprès de Marcantonio Ingegneri, maître de chapelle de la cathédrale. Compositeur précoce, c’est à l’âge de quinze ans qu’il fit publier son premier recueil, les Sacrae cantiunculae. Appelé en 1590 à la cour de Mantoue comme violiste et chanteur, il y resta vingt-deux ans sous la protection du duc Vincent de Gonzague et c’est dans une ambiance féconde qu’il composa ses premiers livres importants de madrigaux. L’histoire retiendra surtout qu’il y écrivit son premier opéra l’Orfeo, représenté avec un immense succès en février 1607. Trois années plus tard (1610) il dédia au pape ses Vêpres à la Bienheureuse Vierge Marie qui marquent l’apothéose de ce style concertant qui émergeait au fil de ses madrigaux.

À la mort du duc de Gonzague en 1612, licencié par son successeur peu sensible à la musique, il fut nommé maître de chapelle à la basilique Saint Marc de Venise. Alors débuta la période la plus heureuse de sa vie de compositeur non seulement dans le domaine de la musique sacrée, mais également et peut-être surtout comme musicien de théâtre avec trois ouvrages lyriques majeurs: l’opéra Adone (perdu), le Retour d’Ulysse (1641) et, surtout, Le couronnement de Poppée (en 1642), son opus ultimum puisqu’il devait mourir en 1643.

LES VÊPRES DE LA VIERGE

En 1610, c’est donc un compositeur dans la pleine force et de l’âge et de ses moyens qui décide de mettre en musique cet office de Vêpres (du latin vesper «soir») qui tient une place fondamentale dans la liturgie catholique mais également orthodoxe en ce que cette longue  méditation remercie Dieu en fin de journée pour les merveilles de sa création tout en faisant appel au Nouveau Testament. Mais Monteverdi ne va pas s’en tenir à la lettre à ce schéma liturgique, s’en affranchissant en rajoutant aux cinq psaumes traditionnels, Dixit Dominus, Laudate pueri, Laetatus sum, Nisi Dominus et Lauda Jerusalem, aussi bien de véritables madrigaux sacrés Nigra sum (tiré du « Cantique des cantiques »), Pulchra es, Duo Seraphim et Audi Caelum, que l’hymne Ave maris stella, avant de conclure ce cycle par le grandiose Magnificat pour lequel Étienne Meyer a heureusement choisi la version à 6 voix. Il faut enfin signaler cette pièce complètement atypique et géniale qu’est la Sonata sopra Santa Maria ora pro nobis, véritable danse instrumentale dont la structure est d’une  rare complexité rythmique qui confronte le chant obstiné des sopranos (le cantus firmus) à un accompagnement instrumental en perpétuelle évolution.

Mais voici le couronnement de l’oeuvre. À la fois son sommet liturgique puisque le Magnificat, chant du cantique évangélique à Marie constitue le moment capital d’un office de vêpres, et sommet musical car Monteverdi va mettre toute la quintessence de son génie poétique dans les douze sections qui le constituent et au cours desquelles toutes la palette instrumentale et vocale se déploie avec diversité et force. Monteverdi en ayant composé deux versions, c’est celle à 6 instruments et 7 voix qui conclura le présent concert.

Alain Pacquier

JudithClaudio Monteverdi, Vêpres à la Vierge