De la guerre de Trente ans nait une brillante culture musicale en Allemagne : de la mer du Nord à la Baltique, la puissante ligue hanséatique influence considérablement la vie musicale, et permet l’éclosion d’une nouvelle génération de compositeurs, pour lesquels l’enseignement n’est plus la seule source de revenus. La noblesse et la bourgeoisie de la Hanse ont le désir d’y créer des chapelles, et font ainsi vivre les musiciens attachés à ces villes. Dans le reste de l’Allemagne, la musique reste bien souvent attachée à une conception plus savante et spéculative. Dans le nord, elle diffère donc fondamentalement, ayant subit les riches influences venues de l’extérieur : d’Angleterre pour la musique instrumentale, des Pays-Bas – avec Jan Pieterszoon Szeelinck – pour la musique d’orgue, ou encore d’Italie pour la musique vocale. Un programme musical construit en remontant le fil de l’Elbe, de Hambourg à Dresde en passant par Leipzig et Lübeck.
Dietrich Buxtehude (1637-1706) est l’un des plus célèbres représentants de cette nouvelle vague créatrice venue de la Baltique. Compositeur et organiste, il est également à l’origine de la création des Abendmusiken. Ces soirées musicales, financées par la bourgeoisie de la ville de Lübeck, sont sans doute les premières formes connues de concerts publics. Remontons à présent le canal de la Trave pour gagner le fleuve, puis la vallée de l’Elbe : Dresde accueille en son sein le célèbre Heinrich Schütz (1585-1672), nommé maître de chapelle en 1615. Schütz joue un rôle particulièrement important dans l’ouverture vers les influences venant de l’étranger, ayant passé plusieurs années à Venise auprès de Giovanni Gabrieli. Il n’aura de cesse, tout au long de sa carrière, de transmettre la parole italienne à de nombreux élèves. Johann Hermann Schein (1586-1630), sa formation d’enfant de chœur faite à Dresde, part étudier à Leipzig. Il y reviendra d’ailleurs en 1616 pour prendre en charge le poste de Cantor à l’église Saint-Thomas. Schein jouit d’une grande renommée, il s’intéresse fortement aux innovations parvenues d’Italie. S’il n’a jamais visité ce pays, il compose pourtant la plus grande partie de ses œuvres selon cette « innovation italienne », comme il lui plait de préciser dans les préfaces des recueils imprimés. Johann Rosenmüller (1617-1684) est quant à lui le plus italien des compositeurs allemands. Sa fulgurante ascension dans le monde musical de Leipzig est abruptement stoppée au printemps 1655 : soupçonné de rapports sexuels déplacés, Rosenmüller est arrêté puis jeté en prison. Il parvient à s’échapper et s’enfuit à Hambourg, d’où il gagne Venise. Rosenmüller devient tromboniste à la basilique San Marco en 1658. Il noue peu à peu des contacts, et restera dans la Sérénissime pendant 25 ans. Un temps Maestro de coro à l’Ospedale de la Pietà, il ne perdra jamais le contact avec son pays natal, en s’occupant notamment des musiciens allemands séjournant à Venise. Et de Venise à Hambourg, de l’Elbe à l’Adriatique, il n’y a qu’un pas : les liens musicaux sont tissés de manière solide. Claudio Monteverdi et Barbara Strozzi, maîtres incontestés de la Sérénissime, seront également de cette fête musicale.