L’histoire re-visitée d’Adam et Ève

En 1686, est présentée à la cour de Francesco II d’Este à Modène une oeuvre qui suscite l’admiration de tous : Il trionfo della Morte per il peccato d’Adamo. Ce dialogue, composé et créé en 1677 à Ferrare par Bonaventura Aliotti, confronte Adam et Ève à la tentation, mais aussi à leur passion amoureuse, à leurs tourments et à leurs doutes. Nous découvrons ici l’histoire du péché originel par le prisme des personnages principaux : la dimension humaine – et donc fragile – des états d’âme d’Adam et d’Ève en offre un nouvel éclairage. L’oeuvre débute par un somptueux duo dans lequel ils avouent s’aimer d’un amour que rien ne peut dissoudre. Mais la Raison met Adam en garde : l’amour terrien est le père des remords. Elle lui demande donc de s’éloigner d’Ève et de rester fidèle à son créateur. La Mort, qui rôde sans pouvoir entrer dans le jardin, s’associe à Lucifer dans le but de régner sur le monde. Le Sens, aliéné jusque là par la Raison, se rebelle également. Lucifer se rend auprès d’Ève pour la tenter. Elle croque le fruit défendu, et use de ses charmes pour faire vaciller Adam – qui finit par céder en l’entendant chanter son désespoir dans un sublime lamento : « Que puis-je espérer, si mon amour n’est pas partagé ? ». Bonaventura Aliotti est un frère franciscain sicilien également connu sous le nom de Padre Palermino. Il se forme à Palerme, se rend d’abord à Modène, puis à Ferrare en 1675. Il y est employé en tant qu’organiste par l’Accademia della Morte. Les Traversées Baroques proposent ici une découverte musicale exceptionnelle : rappelant volontiers l’opéra, cette oeuvre alterne récitatifs courts, duos, airs, choeurs et arias accompagnati, autant de joyaux musicaux pour une construction musicale très aboutie. Des pages sublimes et totalement inconnues, qui ne méritaient aucunement de tomber dans l’oubli. À découvrir absolument !

JudithAliotti